Il existe différentes façons d'appréhender la Comédie Humaine. On peut par exemple choisir d'en lire tout ce qui concerne un thème ou un personnage particulier. On peut aussi suivre un parcours permettant de découvrir une facette particulière de cette œuvre. Voici quelques propositions ...

Le père Goriot : œuvre pivot de la Comédie Humaine

Le père Goriot est véritablement une œuvre pivot de la Comédie Humaine. Dans la pension Vauquer, se retrouvent une série de personnages qui sont comme une miniature, un chef d'œuvre au sensible où l'entendent les ébénistes. On y retrouve Eugène de Rastignac, Vautrin qui figurent parmi les personnages les plus marquants du cycle balzacin. Mais, il y a aussi Goriot, père de deux filles qui, épouses de Nucingen (Delphine) ou du comte de Restaud (Anastasie) seront des figures de proue. Bianchon, le médecin omniprésent est aussi du nombre. Le père Goriot est un véritable kaléiodoscope dans lequel se retrouvent bon nombre de personnages qui vont irriguer la Comédie Humaine. Plusieurs thèmes s'y trouvent abordés également, thèmes centraux chez Balzac : l'ambition, l'amour paternel. Pour toutes ces raiosns, Le père Goriot est donc une des meilleures introductions à la Comédie Humaine. Prenez ensuite le personnage de Rastignac, par exemple, et suivez-le à travers les romans dans lesquels il apparaît (Le père Goriot, La Maison Nucingen, Illusions Perdues, Le Cabinet des Antiques, Une fille d'Ève, Splendeurs et Misères des courtisanes, etc.). ou alors suivez sa future maîtresse, Delphine de Nucingen (Le père Goriot, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, La Maison Nucingen, L'interdiction, Le bal de Sceaux, La Peau de chagrin). Le choix est large et on n'a que l'embarras du choix pour visiter l'œuvre de Balzac guidé par un de ses personnages.

Béatrix : point d'entrée sous-estimé de la Comédie Humaine

Le roman intitulé Béatrix est sans aucun doute sous-estimé dans l'ensemble de l'œuvre balzacienne. À tort, il n'est pas mis au même niveau que les Illusions Perdues par exemple. Il s'agit, en tout cas, d'un bon moyen de démarrer dans la Comédie humaine. D'abord, il y a le personnage de Félicité des Touches, plus connue sous le nom de Camille Maupin. Cette femme écrivain, personnage clef de la Comédie Humaine, se retrouve dans plusieurs autres romans (voir sa biographie). Il y a ensuite Calyste du Guénic, modèle du provincieal qui arrive à Paris, tout comme Lucien de Rubempré dans Illusions Perdues ou le héros de Le Cabinet des Antiques. Claude Vignon est un autre personnage de Béatrix, illustration de l'intellectuel prématurément vieilli, comme Balthazar Claes (La Recherche de l'Absolu) ou Grégoire Gérard (Le Curé de village) ou encore Louis Lambert, personnages dans lesquels Balzac met toujours une partie de lui-même. Les relations entre Caluste et Félicité illustrent aussi un des thèmes les plus forts de Balzac et qui constitue aussi un bon guide de lecture : le thème des relations entre un jeune héros et une femme plus mûre, « mère de son intelligence » selon Balzac qui retrace à ces occasions beaucoup de réminiscences personnelles : ses propres relations avec Mme de Berny. Ce thème se retrouve évidemment dans le début d'Illusions Perdues avec Lucien, dans La femme abandonnée, dans Le Lys dans la vallée qui se déroule d'abord en province puis à Paris. C'est, au fond, une Comédie humaine en raccourci, même si le ressort essentiel est l'amour et non l'ambition, l'argent ou l'avènement de la bourgeoisie.

César Birotteau : bourgeoisie commerciale et d'affaires

Le roman Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau est un de ceux qui ont le plus contribué à la notoriété de Balzac comme l'écrivain de la bourgeoisie montante du XIXe siècle, la bourgeoisie des affaires. C'est également un des romans qui lui a donné, d'un manière reconnue ensuite excessive, le qualificatif d'écrivain réaliste. Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau est en tout cas une des clés d'entrée dans l'univers de la bourgeoisie commerciale et d'affaires de la Comédie Humaine. On y retrouve en effet le monde du petit commerce mais aussi celui de la haute banque. C'est chez Birotteau que commence du Tillet, un des personnages lesp lus terrifiants de la Comédie Humaine, que l'on retrouve tout au long de la Comédie Humaine. Anseleme Popinot, Pillerault, le notaire Roguin, les banquiers Keller, Camusot, Andoche Finot, Crottat, ... tous ces personnages vont ensuite hanter les sphères bourgeoises, commerciales et financières de l'œuvre de Balzac (Gigonnet, Mitral, Baudoyer, Sallard sont d'autres). Le thème des affaires se trouve dans la La Maison Nucingen, récit sur l'origine de la fortune du baron Nucingen, basée sur une série d'entourloupes finanicères. Des opérations qui permettent, au passage, à Rastignac de se faire une pelote qui servira ses ambitions. Toujours sur ces questions d'argent, on pourra lire Un homme d'affaires, qui raconte comment Maxime de Trailles, autre ambitieux mais de petite pointure, se fait flouer par Cérizet (que l'on retrouve dans Les Petits Bourgeois) et Claparon. Du Tillet se retrouvera dans La Maison Nucingen, mais aussi dans Les Petits Bourgeois, Melmoth réconcilié, L'envers de l'histoire contemporaine, Splendeurs et Misères des courtisanes, ...

Gobseck : roman de l'argent et de l'avarice

Gobseck est autant le roman de l'argent que de l'avarice. Le père Grandet (Eugénie Grandet) est un autre modèle d'avare, comme l'est aussi Rigou dans Les Paysans, ou le père Hochon, dans La Rabouilleuse. Chacun représente une variante de ce thème omniprésent dans la Comédie Humaine. Sur le même sujet, on pourra lire la nouvelle Maître Cornélius. Gobseck est aussi une ouverture sur le destin de la comtesse de Restaud, fille de Goriot (Le père Goriot), et aussi sur le notaire Derville, personnage secondaire mais omniprésent dans la Comédie Humaine. Le notaire, le juge et le médecin sont trois types au statut bien particulier chez Balzac. Ils ont surtout un rôle de témoin, d'observateur. Ils apparaissent dans un nombre considérable de romans, quoique la plupart du temps dans un rôle secondaire, justement fait pour qu'ils puissent assumer leur mission d'observateur.

La montée à Paris : les ambitions «déçues»

Le Cabinet des Antiques, Illusions Perdues, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau et La Maison Nucingen sont des romains conformes à ce que l'on sait de ce que l'on sait habituellement des romans et de l'univers balzacien. Ces sont des romans de l'ambition, plus souvent déçue qu'assouvie. Le Cabinet des Antiques raconte la tentative d'un jeune aristocrate rejeton d'une famille de hobereaux désargentés, de «monter» à Paris faire fortune et se faire reconnaître. C'est un thème classique, c'est le thème de tout le XIXe siècle que l'on retrouvera avec des variantes chez Zola, chez Flaubert et que l'on trouve aussi chez Stendhal. Les Illusions Perdues sont aussi le récit d'une montée à Paris, celle de Lucien Chardon qui se fait appeler de Rubempré, nom de jeune fille de sa mère. Mais avec les Splendeurs et Misères des courtisanes, ce cycle est aussi celui de Vautrin, ce Méphisto balzacien, qu'on retrouve dans ses débuts avec Le père Goriot. C'est aussi le cycle du journalisme, activité qui permet à la fois le succès et l'échec de Lucien. Des personnages comme Lousteau se retrouvent dans d'autres œuvres majeures. C'est, en contraste, le roman de l'inventeur génial, David Séchard, qui échoue dans la mise au point d'un nouveau papier, malgré son obstination. Le thème est développé dans La Recherche de l'Absolu avec Balthazar Claës.

La Rabouilleuse : les deux frères

La Rabouilleuse est un peu le roman des mauvais garçons, avec le combat de deux soudards, Maxence Gilet et Philippe Bridau pour s'arracher les faveurs de Flore Brazier, dite «La Rabouilleuse». Mais c'est surtout le roman de Philippe Bridau. Le personnage vaut aussi par son contraste avec son frère, «peintre génial» mais que sa mère délaisse au profit du fils remuant. Après la Rabouilleuse, on pourra lire les récits où apparaissent l'un ou l'autre des frères Bridau (Illusions Perdues, Splendeurs et Misères des courtisanes, Un début dans la vie). Avec eux, Balzac joue sur le contraste et l'opposition des deux personnalités. C'est sur ce principe qu'il traite le thème des deux frères qui reparaît souvent dans la Comédie Humaine (La Vendetta, Illusions Perdues où Lucien Chardon - de Rubempré et David Séchard sont présentés comme deux frères, La Grenadière, les Rastignac, les Birotteau).

L'institution du mariage au XIXe siècle

La Maison du chat-qui-pelote est l'introduction la plus logique pour la Comédie humaine puisque Balzac l'a justement placée en tête. La première scène, dans laquelle le jeune peintre aristocrate contemple le magasin à son ouverture, les commis qui se mettent en place pour le travail de la journée peut aussi être vue comme le mise en place de l'ensemble des personnages, des décors et ressorts de la Comédie humaine. Mais La Maison du chat-qui-pelote est aussi et surtout l'histoire d'un mariage raté entre un artiste aristocrate et une jeune bourgeoise, belle et sensible mais ne parvenant pas à s'intégrer dans la vie mondaine et parisienne de son mari. Le thème du mariage est omniprésent chez Balzac, principalement dans les scènes de la vie privée qu'il a présenté un moment comme des tableaux donnant des conseils à des jeunes filles pour mieux préparer et réussir leur vie. On pourra lire ensuite Mémoires de deux jeunes mariées, roman par lettres dans lequel on suit les destins parallèles de deux jeunes femmes au regard de leur mairage; Modeste Mignon, histoire dans le style de Molière met en scène les péripéties qui conduisent une juene fille au mariage. Une double famille, La paix du ménage, et bien d'autres scènes, parfois un peu superficielles mais toujours pleines de charmes, décrivent les ratés ou les réussites de cette institution. Le contrat de mariage, au contraire jette une lumière sordide sur ses enjeux et sa préparation juridique. L'interdiction, tout aussi sordide, raconte le conflit entre une femme et son mari, tandis que, d'une certaine manière, Une double famille montre comment un homme marié a trouvé sa propre solution à son mariage raté. Il faudra lire, évidemment, mais plus l'étude analytique Physiologie du Mariage.

L'aristocratie et sa splendeur déchue

La Duchesse de Langeais est, parfois explicitement, le procès fait par Balzac à l'aristocratie, incapable selon lui de se comporter de manière à retrouver son ascendant antérieur. C'est aussi une manière pour lui de se venger de son échec amoureux avec la duchesse de Castres. Les Secrets de la princesse de Cadignan est aussi à lire dans cet esprit.

Féminisme vs. intégration familiale / passion vs. amour raisonnable

Ce thème est largement développé dans Mémoires de deux jeunes mariées mais on le retrouve aussi notamment dans Honorine. On a dit que Balzac était le premier écrivain à écrire pour les femmes ce qui est sans doute faux mais il a été le premier à traiter d'une certaine manière de la condition féminine et en particulier de la femme d'âge mûr que les héroïnes de la littérature classique. La femme de trente ans, récit un peu hétéroclite pourra être lu ensuite. Une fille d'Ève, roman plus ambigu raconte comment une femme tente de sortir du giron un peu étouffant d'un mari trop parfait.

L'univers fantastique de Balzac

Indépendamment de ses valeurs propres, La Peau de chagrin est une excellente introduction à l'univers fantastique de Balzac. Univers qui se réfère toujours à la société réelle pour la raison simple qu'il s'agit, pour Balzac, surtout d'écrire un récit qui ait une valeur philosophique. C'est pourquoi ses romans fantastiques se trouvent d'ailleurs tous classés dans les études philosophiques, une des grandes catégories de la Comédie humaine. Après La Peau de chagrin et pour rester dans le même univers, on pourra lire Maître Cornélius qui se déroule sous Louis XI, L'Élixir de longue vie de longue vie, Melmoth réconcilié. D'autres récits «philosophiques» ne reprennents plus les ressorts du fantastiques au sens propre, mais sont dans le même exprit : L'Auberge rouge, Adieu, Le Réquisitionnaire. L'étrange se trouve également dans un court récit, un des rares scènes de la vie militaire : Une passion dans le désert, où une liaison amoureuse naît entre un militaire et une panthère. À travers tous ces récits, Balzac se situe tout à fait dans la veine du fantastique et de l'étrange propre au romantisme que Théophile Gautier et Mérimée développereont, et que la fin du XIXe siècle portera à la perfection.

Balzac : traducteur de sa vie réelle

Aucun écrivain, sans doute, sous des apparences d'observateur de la vie sociale de son époque, n'a autant mis de soi-même. Depuis Louis Lambert jusqu'aux Illusions Perdues, en passant par le Le Lys dans la vallée, et bien d'autres récits (comme La Duchesse de Langeais par exemple), il y a une manière de lire la Comédie Humaine, une biographie de l'auteur à la main.