La Duchesse de Langeais (1834)

La Comédie Humaine : Études de moeurs : Scènes de la vie parisienne : Histoire des Treize : 2/3

Période décrite : 1818 +

Thèmes abordés : Amour Amour-Passion Métaphysique-Religion

190 pages dans le tome 5 de l'édition de la Pléiade (lire l'édition de poche)

L'héroïne de Ne touchez pas la hache (La Duchesse de Langeais) est présentée comme une coquette parisienne qui, trop tard, découvre le véritable amour auquel elle s'apprête à tout sacrifier. Depuis cinq ans le général Montriveau recherche dans tous les couvents d'Europe et d'Amérique une femme dont il avait perdu toute trace. Il découvre que soeur Thérèse est celle qu'il recherche et obtient de la voir dans son couvent, en présence de la mère supérieure. Elle refuse de le suivre, mais laisse paraître son amour. Long retour en arrière : le narrateur se livre à de longues considérations sur la société sous la Restauration où les valeurs dominantes sont celles de l'hypocrisie, de l'importance des apparences et de l'argent. C'est cette société qui a formé Antoinette de Navarreins, épouse du duc de Langeais avec lequel elle fait ménage à part. Montriveau s'éprend d'elle dès leur première rencontre, et lui voue un culte pur et absolu, culte encouragé par la duchesse, toute à ses calculs mondains. Montriveau essaie en vain d'obtenir des preuves d'amour irréfutables. Antoinette lui oppose, hypocritement, des arguments religieux. Son ami Ronquerolles le persuade d'user de la manière forte. Lors d'un bal, Montriveau raconte, tout en regardant le cou d'Antoinette, le souvenir qui l'avait le plus marqué, à Westminster. « Ne touchez pas à la hache » aurait dit le gardien montrant la hache qui avait servi à trancher la tête à Charles Ier. Un peu plus tard elle est enlevée et conduite, pieds et poings liés, chez Montriveau. Ses amis préparent l'instrument dont il va se servir pour punir : une croix de Lorraine rougie au feu qu'il a l'intention d'appliquer au front de la coquette. In extremis il renonce et fait reconduire Antoinette au bal. Désormais la duchesse est follement éprise, mais la situation est renversée. Montriveau la fuit. Au bout de plusieurs semaines d'efforts infructueux, la duchesse expédie son cousin, le vidame de Pamiers, pour fixer un rendez-vous qu'un malentendu fera échouer. Montriveau apprendra la vérité trop tard. Elle s'est enfuie. Le dernier chapitre raconte la tentative de Montriveau, aidé par les Treize, pour enlever la duchesse devenue la soeur Thérèse, mais Dieu en a décidé autrement.

4.0/5 La stratégie narrative du récit s'apparente à celle adoptée dans Ferragus : il y a un mystère à éclaircir, celui du comportement d'un général français qui débarque dans une île espagnole lors de l'expédition française pour rétablir l'autorité de Ferdinand VII. Ce qui prime dans ce roman comme dans les deux autres qui constituent l'histoire des treize, est le portrait présenté par chacun d'une femme amoureuse ainsi que les rapports entre la société parisienne et cet amour.

On y retrouve : marquis de Ronquerolles, comtesse Hugret de Sérisy, comte Henri de Marsay, Diane de Maufrigneuse, général marquis Victor d' Aiglemont, Béatrix-Maximilienne-Rose marquise de Rochefide, comte François Keller

Lieux principalement mentionnés (détails) : Paris ; Londres ; Cadix


On peut y lire (+):

  • page 979 En amour, douter, n'est-ce pas mourir ?
  • page 1002 L'amour et la passion sont deux différents états de l'âme que poètes et gens du monde, philosophes et niais confondent continuellement. L'amour comporte une mutualité de sentiments, une certitude de jouissances que rien n'altère, et un trop constant échange de plaisirs, une trop complète adhérence entre les coeurs pour ne pas exclure la jalousie. La possession est alors un moyen et non un but; une infidélité fait souffrir, mais ne détache pas; l'âme n'est ni plus ni moins ardente ou troublée, elle est incessamment heureuse; enfin le désir étendu par un souffle divin d'un bout à l'autre sur l'immensité du temps nous le teint d'une même couleur : la vie est bleue comme l'est un ciel pur. La passion est le pressentiment de l'amour et de son infini auquel aspirent toutes les âmes souffrantes. La passion est un espoir qui peut-être sera trompé. Passion signifie à la fois souffrance et transition; la passion cesse quand l'espérance est morte.
  • page 1003 Hommes et femmes peuvent, sans se déshonorer, concevoir plusieurs passions; il est si naturel de s'élancer vers le bonheur ! mais, il n'est dans la vie qu'un seul amour.
  • page 937 Quand un outrage est public, une femme aime à l'oublier, elle a des chances pour se grandir, elle est femme dans sa clémence; mais les femmes n'absolvent jamais de secrètes offenses, parce qu'elles n'aiment ni les lâchetés, ni les vertus, ni les amours secrètes.
  • page 958 La migraine est une bonne personne et ne nous donne jamais de démentis.
  • page 926 La France est le seul pays où quelque petite phrase puisse faire une grande révolution.
  • page 929 Le Français, plus que tout autre homme, ne conclut jamais en dessous de lui, il va du degré sur lequel il se trouve au degré supérieur : il plaint rarement les malheureux au-dessus desquels il s'élève, il gémit toujours de voir tant d'heureux au-dessus de lui.
  • page 942 Les hommes nous permettent bien de nous élever au-dessus d'eux, mais ils ne nous pardonnent jamais de ne pas descendre aussi bas qu'eux.