La Rabouilleuse (1842)

La Comédie Humaine : Études de moeurs : Scènes de la vie de province : Les Célibataires : 3/3

Période décrite : 1815 - 1839 +

Thèmes abordés : Economie-Héritages Amour-Enfants

409 pages dans le tome 4 de l'édition de la Pléiade (lire l'édition de poche)

Les deux frères Bridau, Philippe et Joseph sont issus de l'heureux mariage d'Agathe Rouget, fille mal-aimée d'un médecin d'Issoudun, enrichi et débauché, avec un intègre chef de bureau, idolâtre de l'Empereur. En 1809, à la mort de leur père, tué à la tâche, début du mélodrame. Ils sont élevés dans un appartement modeste qui « sent la province et la fidélité », entre deux veuves : leur mère qui chérit l'aîné, futur « sabreur », vulgaire et égoïste, tout en méconnaissant le génie de peintre et l'amour filial du second ; et sa tante, Mme Descoings, ex-belle épicière, qui aime les « bons petits plats » et « met à la loterie ». Après 1815, tandis que Philippe, chef d'escadron et officier de la Légion d'honneur, refuse de se rallier aux Bourbons, devient un bonapartiste de café, pompe dans la caisse du journal libéral dont il est caissier, joue, vole son frère, vole sa mère, vole Mme Descoings le jour où elle aurait gagné trois millions, Joseph, seul, pauvre et bon fils, mène une lutte sans merci pour imposer une peinture trop novatrice pour être reconnue. Mme Descoings meurt. Philippe vole des tableaux déposés chez son frère, la mère renie enfin le « fléau de la famille ». Au sortir de l'hôpital des Vénériens, miséreux, il se fait prendre (dupe ou mouchard, on ne sait) dans une conspiration d'officiers. Agathe rentre alors en contact avec sa marraine d'Issoudun, Mme Hochon. Elle apprend ainsi que son frère, Jean-Jacques, parfait abruti qui, à ce qu'on dit, a succédé à son père dans le lit et à la table de la servante de la maison, Flore Frazier (la Rabouilleuse), s'apprêterait à la déshériter au profit de cette maîtresse et de l'amant de coeur de celle-ci, lui aussi ex-soldat de l'Empereur et champion local de l'Opposition, Max(ence) Gilet. Agathe et Joseph partent en Berry, échappent de justesse au piège tendu par Gilet et sa bande des « Chevaliers de la Désoeuvrance » et rentrent à Paris sans avoir rien réglé, tandis que débarque à Issoudun Philippe qui, finalement condamné à cinq ans de résidence surveillée, entend « rattraper la succession » à son exclusif profit. Il effraye Flore qui a la maladresse de vouloir se faire donner par Jean-Jacques une rente pour pouvoir épouser Max à Paris. Mais la procuration nécessaire ne sera jamais signée. Philippe tue Max en duel. Il épouse Flore, veuve de son oncle qu'il a fait achever (par un pâté de foie gras ou une certaine Mlle Lolotte, 17 ans, on ne sait). Il met la main sur le million de la succession, se rallie et devient comte de Brambourg, refuse un quelconque soutien à son frère, ce qui tue une Agathe enfin désillusionnée, élimine Flore, contaminée par une « maladie à faire trembler les médecins », perd beaucoup d'argent en croyant à la solidité du régime en février 1830. En 1839, en Algérie, il meurt au combat, la tête coupée par des yatagans. Joseph, devenu comte et héritier des tableaux familiaux, reçoit « avec modestie les faveurs de la destinée ».

4.0/5 L'intérêt du roman naît de la tension et des interférences entre deux espaces, le parisien et le provincial, chacun jouant à son tour contre l'autre. De plus, le récit est foisonnant en ricochets d'intrigue et en figures originales (Madame Descoings et son « terne », les garnements d'Issoudun, leur victime le marchand de grain Fario, par exemple, sans oublier Flore elle-même, née d'un ruisseau à écrevisses). Ce roman a sûrement aussi valeur de règlement de comptes familial : comment ne pas voir dans le contraste, passionnément excessif, du génial et généreux Joseph et du lamentable et vicieux Philippe, Honoré et Henri, ce demi-frère, tant aimé de Mme Balzac.

On y retrouve : Joseph Bridau, Me Desroches, Jean-Jacques Bixiou, Étienne Lousteau, Charles Claparon, Horace Bianchon, Diane de Maufrigneuse, baron Hippolyte Schinner, comtesse Hugret de Sérisy, baron Frédéric de Nucingen, Me Roguin, comte Henri de Marsay, Sophie Grignoult (dite Florine), Raoul Nathan, Élias ou Élie Magus, Coralie, Eugène-Louis de Rastignac, comte Clément Chardin des Lupeaulx, comte Maxime de Trailles, Camusot de Marville, Me Derville, Me Cardot, Hyacinthe Chabert, Félicité des Touches

Lieux principalement mentionnés (détails) : Issoudun ; Paris ; Mouilleron


On peut y lire (+):

  • page 324 Les alternatives de craintes soulevées [et] de terreurs apaisées [...] sont un peu la vie des sentiments, et tout aussi nécessaires à la maternité qu'à l'amour.
  • page 273 L'épicier est entraîné vers son commerce par une force attractive égale à la force de répulsion qui en éloigne les artistes.
  • page 361 Les gens de la campagne ont une horreur profonde pour toute espèce de changement, même pour celui qui leur paraît utile à leurs intérêts.
  • page 488 Si vous n'êtes pas content d'elle, je la cravacherai. [...] C'est pourtant la seule manière de gouverner les femmes et les chevaux. Un homme se fait ainsi craindre, aimer et respecter.
  • page 489 Les femmes sont des enfants méchants, c'est des bêtes inférieures à l'homme, et il faut s'en faire craindre, car la pire condition pour nous est d'être gouvernés par ces brutes-là !
  • page 535 Il suffit de livrer un homme à un vice pour se défaire de lui.
  • page 346 Nous avons tous notre passion malheureuse.
  • page 396 La passion qui [...] porte son esprit avec elle, peut donner aux niais, aux sots, aux imbéciles une sorte d'intelligence, surtout pendant la jeunesse.