L'interdiction (1836)

La Comédie Humaine : Études de moeurs : Scènes de la vie privée : 25/27

Période décrite : 1828 +

Thèmes abordés : Politique-Corruption Amour-Mariage

123 pages dans le tome 3 de l'édition de la Pléiade (lire l'édition de poche)

En 1828, l'une des femmes les plus en vue de Paris, la marquise d'Espard, dépose auprès du tribunal une demande visant à faire interdire son mari. Elle accuse le marquis, dont elle vit séparée depuis plus de dix ans, de l'empêcher de voir ses deux enfants qu'il a emmenés avec lui, de dilapider tous ses biens, au profit des Jeanrenaud mère et fils, des inconnus. Le marquis est-il fou ou possédé, comme l'affirme son avoué ? Le juge Jean-Jules Popinot est chargé de se prononcer sur la recevabilité de la requête. Une première visite à la marquise le persuade de la nature froide, égoïste et calculatrice de la requérante. Une deuxième entrevue, avec la dame Jeanrenaud, écarte à peu près sûrement l'hypothèse de l'envoûtement et de la séduction : la femme est vieille, grotesque, monstrueuse. Le troisième interrogatoire avec le marquis permet enfin à Popinot d'établir avec assurance que celui-ci est sain d'esprit. Seulement, les mobiles secrets qui ont guidé sa conduite appartiennent à un âge révolu, où prévalait le sentiment de l'honneur. Ayant appris par hasard l'origine trouble de la fortune de sa famille, le marquis a voulu laver le nom de d'Espard en réparant les torts causés par son bisaïeul. Au moment de la révocation de l'édit de Nantes, le protestant Jeanrenaud avait en effet été arrêté et pendu et ses terres confisquées au profit des d'Espard. Le premier marquis du nom, bien en cour, n'avait pas été étranger au drame. Éclairé sur la soi-disant folie du marquis, Popinot peut donc faire son rapport. Mais la rusée marquise s'arrange pour le dessaisir du dossier. Quant à l'issue du procès, il faudra attendre de lire Splendeurs et misères des courtisanes pour la connaître.

3.5/5 Cette nouvelle touche autant à la politique, à l'origine des fortunes mobilières, à l'exercice de la justice, qu'a la pratique de la charité et aux problèmes de la famille. Ce texte est construit sur l'opposition entre l'« extrême mal », représenté par le beau monde parisien, dominé par la passion de l'argent, et l'« extrême bien », incarné par les figures nobles et vertueuses du marquis d'Espard et du juge d'instruction. L'Interdiction est un roman du mensonge, et de la mauvaise mère, et appartient en cela à la vie privée et à ses secrets.

On y retrouve : Horace Bianchon, Eugène-Louis de Rastignac, baron Frédéric de Nucingen, Me Desroches, Diane de Maufrigneuse, Camusot de Marville, comte Henri de Marsay, comte Maxime de Trailles, marquis de Ronquerolles, comtesse Hugret de Sérisy, Jean-Esther van Gobseck

Lieux principalement mentionnés (détails) : Paris ; Rue du Fouarre ; Sceaux


On peut y lire (+):

  • page 422 L'amour ne va jamais consulter les registres de l'état civil; personne n'aime une femme parce qu'elle a tel ou tel âge, parce qu'elle est belle ou laide, bête ou spirituelle : on aime parce qu'on aime.
  • page 434 La bienfaisance a son entraînement comme les vices ont le leur.
  • page 447 Qui n'écoute qu'une cloche n'entend qu'un son.
  • page 448 Une mère est aussi rusée pour arriver à ses enfants qu'une jeune fille peut l'être pour conduire à bien une intrigue d'amour.
  • page 474 Les hommes sont ainsi. Dans presque toutes les classes, ils accordent au compérage ou à des âmes viles qui les flattent les facilités, les faveurs refusées à la supériorité qui les blesse quelle que soit la manière dont elle se révèle.
  • page 451 À Paris, [...] la Mode élève et abaisse tour à tour des personnages qui, tantôt grands, tantôt petits, c'est à dire tour à tour en vue et oubliés, deviennent plus tard des personnes insupportables comme le sont tous les ministres disgraciés et toutes les majestés déchues.