Conscient d'entreprendre un projet prodigieux et sans précédent dans l'histoire de la littérature, Balzac écrit à Mme Hanska en 1844 : «Quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O'Connell, et je veux être le quatrième. Le premier a vécu de la vie de l'Europe ; il s'est inoculé des armées ; le second a épousé le globe ; le troisième s'est incarné un peuple ; moi, j'aurai porté une société toute entière dans ma tête». Conçue comme une œuvre documentaire, Balzac fait de sa Comédie «le plus grand magasin de documents que nous ayons sur la nature humaine». Disciple des physiologistes Lavater et Gall, Balzac se réclame également de Geoffroy Saint-Hilaire et de Cuvier, qui viennent de renouveler l'histoire naturelle des animaux. À son tour, il se propose de composer l'histoire naturelle de l'homme, se justifiant de la sorte : «Si Buffon a fait un magnifique ouvrage en essayant de représenter dans un livre l'ensemble de la zoologie, n'y avait-il pas une œuvre de ce genre à faire pour la Société ?». Cette question, lancée comme un défi dans l'Avant-Propos de la Comédie humaine, constitue le point de départ du romancier.
L'écrivain entend alors établir l'inventaire des espèces humaines, en dressant une nomenclature du genre humain semblable à celles qui existent pour les espèces animales. Aussi, toutes les catégories sociales, des classes les plus humbles à l'élite, toutes les professions (médecins, commerçants, banquiers, prêtres, officiers, notables, petits employés, et surtout les hommes d'affaires...) et tous les milieux (Paris, province, campagne), constituent-ils des objets d'études. Et pour que ces personnages vivent vraiment à nos yeux, l'écrivain décrit d'une façon minutieuse le cadre dans lequel ils évoluent : la ville, la rue, l'appartement qu'ils habitent, le costume, le mobilier, les mœurs et les habitudes des gens qu'ils fréquentent, sans oublier de considérer le contexte historique (Restauration, Monarchie de Juillet) auquel leur histoire se rattache. Le romancier ira même jusqu'à faire leur généalogie. En outre, il donne à chacun de ses personnages une passion simple mais dominante, qui constitue son caractère propre ; puis il leur attribue les habitudes, les gestes, les paroles, les professions qui leur conviennent et crée ainsi des types inoubliables par leur intense réalité : Grandet représente l'avare, Goriot la paternité, Gaudissart le commis voyageur, Rastignac l'arriviste, Vautrin le forçat. Balzac excelle en particulier dans la peinture de cette bourgeoisie moyenne provinciale ou parisienne, qui, par le commerce et l'industrie, marche à la fortune et autour de 1830, monte à la conquête du pouvoir. Ce foisonnement de personnages, qui vont, viennent et reviennent d'un livre à l'autre, a donné naissance à une société imaginaire aussi organisée que la société réelle.
L'ambition de Balzac dépasse cependant la simple description : s'il veut brosser un tableau complet de l'espèce humaine, il cherche avant tout à en faire un tableau juste et vrai, et surtout à comprendre les rouages et les lois qui la régissent. La description doit s'accompagner de l'explication. La fiction devient ainsi le moyen de dénoncer l'hypocrisie, la vanité, l'ambition, l'égoïsme, le jeu des rôles qui gouverne la société. Doué d'une imagination et d'un sens de l'observation étonnants, Balzac a peint la passion, l'énergie, la prise du pouvoir (par le monde de l'argent, notamment), et toute la société française de la première moitié du XIXe siècle. Il a exploré de manière exhaustive toutes les couches de la société qu'il examine sous tous les angles (philosophique, psychologique, moral, politique, économique et social). Chacune des parties de son ouvrage explore un aspect particulier : les Scènes de la vie privée correspondent à «l'enfance, l'adolescence et leurs fautes», celles de la vie de province à l'«âge des passions, des calculs, des intérêts, de l'ambition», les Scènes de la vie parisienne constituent le «tableau des goûts, des vices, de toutes les choses effrénées qu'excitent les mœurs particulières aux capitales», les Scènes de la vie politique et militaire s'intéressent aux «existences d'exception» situées «hors de la loi commune». Enfin, «les Scènes de la vie de campagne sont en quelque sorte le soir de cette longue journée... Dans ce livre se trouve les plus purs caractères, et l'application des grands principes d'ordre, de politique, de moralité» (Avant-Propos de la Comédie humaine).
Et ce projet colossal, l'auteur parvient à le résumer en quelques mots : «J'ai entrepris l'histoire de toute la Société. J'ai exprimé souvent mon plan dans cette seule phrase : une génération est un drame à quatre ou cinq mille personnages saillants. Ce drame, c'est mon livre. » (Lettre à Hippolyte de Castille, 11 octobre 1846).
Balzac décide de regrouper l'ensemble de ses œuvres lorsqu'il prend conscience que les romans qu'il avait déjà écrits jusque-là pouvaient se lire comme les chapitres d'une œuvre plus vaste. Il choisit alors de souligner l'unité de son œuvre en les regroupant dans un seul et même tout. Cette élaboration fut un travail de longue haleine — que Balzac n'eut d'ailleurs pas le temps d'achever de son vivant — et correspond à un assemblage progressif et mûrement réfléchi.
1830 marque la première étape de ce long travail : Balzac regroupe alors sous le titre de Scènes de la vie privée six de ses nouvelles (La Vendetta , Gobseck, Le bal de Sceaux, La Maison du chat-qui-pelote, Une double famille et La paix du ménage). Quatre ans plus tard, les Scènes de la vie privée sont complétées par d'autres œuvres, et intégrées à un volume plus vaste, intitulé Études de mœurs lui-même découpé en plusieurs sections : aux Scènes de la vie privée viennent s'ajouter les Scènes de la vie de province, de la vie parisienne, de la vie politique, de la vie militaire et de la vie de campagne. Balzac projette dès lors de compléter son tableau par deux autres parties : les Études philosophiques et analytiques. C'est à peu près à cette époque qu'il a l'idée de munir l'ensemble d'une unité organique en faisant réapparaître systématiquement des personnages ; ainsi, ceux du Le père Goriot (1835) : Rastignac, M. de Trailles, Bianchon, les Nucingen, Gobseck, Lousteau, peupleront une multitude de romans et nouvelles.
Le premier titre générique retenu par Balzac pour l'édition complète de ses œuvres est Études sociales, mais il se ravise et, par allusion à la Divine Comédie de Dante, songe un instant à nommer son ouvrage la Diabolique Comédie du sieur Balzac. Il retiendra finalement la Comédie humaine. De 1841 à 1848, 17 volumes de ses œuvres complètes sont republiés sous ce titre par quatre éditeurs associés (Furne, Dubochet, Hetzel, et Paulin). En 1845, Balzac rédige, pour une nouvelle édition prévue en 26 volumes, un catalogue dressant le plan de son uvre divisée en 3 parties, 137 romans, et contenant près de 2000 personnages. Vaste programme, dont Balzac disait lui-même : «Vous ne vous figurez pas ce que c'est que la Comédie humaine ; c'est plus vaste, littérairement parlant, que la cathédrale de Bourges architecturalement» (Lettre à Zulma Carraud, janvier 1845). Cette comparaison prend tout son sens quand on étudie le plan qu'en proposait Balzac en 1845 :
Aux 137 récits mentionnés ci-dessus, s'ajoutent six romans, publiés après 1845 : la Cousine Bette, le Cousin Pons, Un Homme d'affaires, Gaudissart II, l'Envers de l'histoire contemporaine, Petites Misères de la vie conjugale. Au total, la Comédie humaine se compose donc de 26 tomes, 95 œuvres achevées et 48 ébauchées, dont certaines, assez avancées, ont été publiées après la mort de l'écrivain.